La progression de l’extrême droite : une prophétie autoréalisatrice ?

La progression de l’extrême droite : une prophétie autoréalisatrice ?
Publié le 27 juin 2024
Pourquoi la progression de l’extrême-droite est-elle regardée avec une forme de fatalisme ? Malgré de très nombreuses études, il semble toujours difficile d’expliquer pourquoi les idées du Rassemblement national s’imposent aussi massivement dans le débat public. Il ne suffit pas de dire que le message anti-démocratique du RN répond à une attente des Français car ceux-ci restent fermement attachés aux valeurs démocratiques, d’ouverture et de tolérance. Une autre manière d’envisager la question se dessine alors : celle de savoir comment les récits anti-démocratiques se sont imposés et par qui ils ont été imposés, jusqu’à devenir dominants, c’est-à-dire à la fois omniprésents, invisibles et difficiles à remettre en cause.
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Dans un essai publié à l’automne 2023, Patrick Boucheron revenait sur cette catastrophe « lente à venir » qu’il décelait aujourd’hui. Il faisait le constat que la crise climatique s’adossait à une érosion progressive de la culture démocratique. Que reste-t-il de cet idéal tocquevillien d’une forme de société fondée sur un rapport critique à l’autorité, qui offre une égale participation de tous à la vie civique et soutient l’égale dignité de tous, quels que soient l’origine ou le statut social ? La dégradation du débat public et l’inexorable ascension de l’extrême droite constituent autant de symptômes de cette érosion. Les résultats de l’élection européenne, la dissolution qui s’en est suivie et la campagne éclair pour les élections législatives semblent le confirmer. Le moment apparaît comme un pas de plus vers la catastrophe. La secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, le résumait ainsi : « il n’est plus minuit moins le quart, il est minuit moins cinq ».

La certitude d’un mouvement qui ne peut être entravé nourrit de fait une forme d’impuissance. Parmi ceux qui décident, il arrive que l’attentisme domine, quand d’autres se laissent aller à la surenchère. D’autres encore se montrent plus fatalistes : « nous sommes toujours en démocratie, et si la majorité aspire à la catastrophe comme semblent l’indiquer les sondages, arguent-ils, tout au plus peut-on s’organiser pour limiter les dégâts ».

Parmi ceux qui combattent cette érosion, parfois depuis longtemps, l’heure est davantage au questionnement : comment agir aujourd’hui, alors que beaucoup de stratégies déployées jusqu’ici semblent avoir peu de résultats ? Quel grain de sable peut faire dérailler cette machine dont le mouvement paraît inexorable ? Est-ce du côté de la demande qu’il peut être trouvé – c’est-à-dire du côté de l’opinion publique ? Ou du côté de l’offre – c’est-à-dire d’un récit politique qu’il faudrait reformuler ou réinventer ?

Répondre à cette question, c’est peut-être en premier lieu prendre au sérieux l’hypothèse que pose Patrick Boucheron dans son Temps qu’il reste : cette catastrophe n’est-elle pas avant tout une prophétie auto-réalisatrice, au sens où l’entendait Merton, c’est-à-dire « une définition d’abord fausse d’une situation » mais « rendue vraie par les comportements qu’elle suscite » ? Et dans ce cas, à quel endroit agir et quel levier mobiliser pour en changer les conséquences ? En dépliant les mécanismes qui nous conduisent à penser que ce mouvement est inexorable, il s’agit d’identifier les failles où les efforts peuvent être concentrés, pour ouvrir un autre chemin.

Les Français veulent-ils réellement la catastrophe ?

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De prime abord, lorsqu’on sonde la demande, l’érosion de la culture démocratique apparaît comme une évidence. Le premier indicateur habituellement convoqué est la baisse de la participation électorale. En 1973, 81% des Français inscrits sur les listes votaient au premier tour des élections législatives. En 2022, ils n’étaient plus que 48%. Si l’élection présidentielle reste plus mobilisatrice, la tendance est aussi à la baisse : 84% du corps électoral se rendaient aux urnes en 1974 contre 74% en 2022. La progression de l’abstention est interprétée comme le signe qu’une part grandissante des Français se désengagent et que la participation de tous à la vie civique n’est plus un horizon tangible.

Il en va de même pour l’égale dignité de chacun, quelle que soit son origine ou son statut social. Les enquêtes témoignent d’une aversion apparemment majoritaire à l’égard de l’altérité – migrants et minorités au premier chef : dans la dernière vague de l’enquête Fractures Françaises, 2 répondants sur 3 estiment qu’il y a trop d’étrangers en France et plus de 6 sur 10 que la religion musulmane n’est pas compatible avec la société française.

Cette intolérance semble s’adosser à un désir d’ordre social, fondé sur la responsabilisation des individus et sur l’effort comme premier moteur de réussite, davantage que sur le principe d’une égale dignité de tous : dans la même enquête, 65% des Français considèrent que les chômeurs pourraient trouver du travail s’ils le voulaient vraiment. Ce mouvement va de pair avec une critique forte à l’égard des aides sociales. Elle concerne moins leur existence que leurs destinataires et les conséquences qu’elles peuvent avoir sur la responsabilité individuelle : 56% estiment ainsi qu’on évolue vers trop d’assistanat. La protection sociale est légitime, mais encore faut-il la mériter.

Est-ce parce qu’elle ne parvient pas à garantir dans le temps cet ordre social que la démocratie représentative fait l’objet d’autant de critiques ? 70% des Français considèrent qu’elle fonctionne mal. Ils semblent opposer à ce constat une demande croissante d’autorité et de verticalité : près de 80% partagent la conviction qu’en France, on a besoin d’un vrai chef pour remettre de l’ordre. Face à des élites politiques dont ils estiment qu’elles agissent avant tout pour leur intérêt personnel, ils aspirent également à une reprise en main. En témoigne la popularité des dispositifs de démocratie directe, référendum d’initiative citoyenne au premier chef. Dans une enquête que nous avions réalisée en 2021 avec BVA pour le compte de Départements Solidaires, 22% des répondants citaient le RIC comme une proposition importante pour renforcer la démocratie.

Dans cette perspective, l’extrême droite semble apparaître comme un débouché naturel à cette demande sociale. Son succès électoral serait la conséquence logique d’un raidissement et d’une droitisation de la société au détriment de la culture démocratique.

En résumé, ces chiffres répétés et commentés à l’envi brossent le portrait d’une France éprise de nostalgie, à la recherche d’une unité perdue qu’elle ne semble pouvoir retrouver que par l’homogénéité culturelle et par un ordre social hiérarchisé plutôt que par la culture démocratique. Sa survie reposerait sur un « chauvinisme social » auquel aspirerait la majorité de la population. Ce à quoi répond, précisément, l’offre de l’extrême droite. Ainsi dit, la « catastrophe à venir » apparaît inéluctable dès lors qu’elle semble désirée par une part grandissante de l’opinion publique.  

Pourtant, les études longitudinales approfondies racontent autre chose. En remontant dans le temps, en diversifiant les angles des questions posées et en les synthétisant dans un indice, elles montrent qu’au contraire, la société française accepte davantage la diversité qu’il y a trente ans. C’est notamment ce qu’illustre l’indice longitudinal de tolérance forgé par Vincent Tiberj à partir des données du baromètre annuel de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH). Cette progression est en partie liée au renouvellement générationnel et à l’augmentation du niveau de diplôme.

Le constat vaut aussi pour le niveau d’altruisme : les données de l’Enquête européenne sur les valeurs montrent que les jeunes d’aujourd’hui se sentent davantage concernés par les conditions de vie des personnes âgées, des malades et des handicapés, des chômeurs ou des immigrés que ne l’étaient les générations précédentes au même âge. Par ailleurs, même si l’on note une progression de l’altruisme identitaire – celui que l’on éprouve à l’égard de ses voisins, des habitants de sa région ou de ses concitoyens -, l’altruisme social continue d’être plus élevé, comme Frédéric Gonthier en a fait la démonstration. Sur le temps long, l’égale dignité de tous est une valeur en progression. 

De même, la demande d’autorité est plus complexe qu’elle en a l’air au premier chef. Certes, note Olivier Galland, elle est bien croissante depuis les années 1980 : 60% des Français interrogés dans le cadre de l’enquête européenne sur les Valeurs déclaraient que c’est une bonne chose qu’on respecte davantage l’autorité. En 2018, ils étaient 77%. Mais s’agit-il pour autant d’une aspiration autoritaire, au sens où l’entend la psychologue Karen Stenner, c’est-à-dire une recherche d’unité et d’homogénéité ? On mesure cette aspiration à l’autoritarisme – ou pour être plus exact, cette prédisposition – en interrogeant les répondants sur les qualités qui leur semblent les plus souhaitables à acquérir pour un enfant. Certaines expriment une demande d’ordre : l’obéissance, les bonnes manières, etc. D’autres renvoient à une approche plus permissive : l’imagination, la créativité, etc. L’enquête européenne sur les Valeurs montre que la prédisposition à l’autoritarisme a diminué ces trente dernières années, comme le souligne le graphique ci-dessous. Ces évolutions invitent donc à interpréter la demande croissante d’autorité autrement que comme une demande autoritaire.

Distribution des traits de personnalité autoritaire de 1990 à 2018.

Source : Enquête européenne sur les valeurs / Étonnamment, si.

Quant à la participation à la vie civique, elle ne saurait se résumer à la participation électorale, aussi importante soit-elle. Le rapport au vote a changé : Vincent Tiberj souligne ainsi que les générations nées avant 1960 continuent de voter à tous les scrutins et de le faire par devoir, tandis que les générations suivantes votent de façon intermittente, selon l’enjeu du scrutin. Ces dernières utilisent, qui plus est, un panel de mobilisation et d’expression plus large que les cohortes qui les précèdent, et en particulier les modes d’action protestataires. Cette évolution témoigne sans aucun doute d’une insatisfaction vis-à-vis du fonctionnement de la démocratie représentative. Elle va de pair avec la crise du système partisan et les transformations de l’engagement associatif. Elle pose de nombreux défis aux politiques et aux institutions qu’il ne s’agit pas de minorer. Mais elle n’est pas nouvelle : Ingelhart l’avait soulignée dès les années 1980 aux États-Unis. Elle ne saurait donc être interprétée comme un désengagement ou une indifférence à l’égard de la vie civique.

Dès lors, comment expliquer que la première grille d’analyse, celle qui raconte une France majoritairement tentée par un chauvinisme social autoritaire, prévale sur la seconde, qui décrit au contraire une progression des piliers de la culture démocratique ? Pourquoi l’une nous vient-elle naturellement quand l’autre nous semble si contre-intuitive ?

La première raison qui s’impose comme une évidence, ce sont les résultats électoraux. Depuis dix ans, ils semblent donner raison à une lecture du déclin de la culture démocratique au profit de l’extrême droite. Pour ne donner qu’un exemple, au premier tour des élections législatives, le nombre de suffrages qui se sont portés sur cette famille politique est passé de 3 millions en 2017 à 5,2 millions en 2022, si l’on additionne ceux du Rassemblement national et de Reconquête !. Ces chiffres sont incontestables et la progression est réelle. La question est de savoir auprès de quelle partie de la population elle progresse.

Là encore, les travaux de Vincent Tiberj apportent des éléments de réponse : la participation différentielle joue à plein. Les comportements électoraux des plus tolérants et des plus intolérants diffèrent radicalement. D’une part, les plus intolérants votent davantage que les plus tolérants. D’autre part, les intolérants de la classe d’âge intermédiaire passent davantage au vote d’extrême droite que les intolérants des générations précédentes. Un Français né dans la décennie 1980 qui aspire à la protection sociale et à la fermeture culturelle a près de 2,5 fois plus de chances de voter en faveur du Rassemblement national qu’un Français né dans la décennie 1950, aux valeurs équivalentes. Autrement dit, les générations précédentes pouvaient être aussi intolérantes ou même davantage que les Milléniaux, mais votaient moins RN. Les intolérants d’aujourd’hui sont plus radicaux que ceux d’hier : une partie de l’électorat qui votait ou aurait voté à droite vote désormais à l’extrême droite. Mais cela ne signifie pas que l’ensemble de la société se soit radicalisé. Le vote est un miroir déformant sur lequel nous fondons pourtant l’essentiel de notre représentation de l’opinion.

La deuxième raison est notre sensibilité au contexte. Si les valeurs de tolérance et d’altruisme progressent sur le temps long, elles ne sont pas imperméables aux événements sur le temps court. De fait, après les émeutes de 2005 ou les attentats de 2015, l’indice longitudinal de tolérance a plongé. Mais à chaque fois, il a retrouvé une tendance positive à moyen terme. Inversement, la crise de 2008 a eu des conséquences positives sur la perception des causes de la pauvreté. En 2009, selon les enquêtes du CREDOC, la part de ceux qui estimaient que la situation de pauvreté des personnes s’expliquait par la malchance connaît un pic à 70%. C’est 5 points de plus que l’année précédente. La tolérance comme l’altruisme sont des valeurs « thermostatiques » : elles réagissent au contexte. Nous scrutons ses évolutions à court terme sans parfois être attentifs à leur évolution de long terme. Le contexte agit comme un miroir grossissant.

La troisième raison est plus profonde : elle relève de notre prédisposition à réagir au contexte. Des attitudes qui s’ajustent témoignent d’un certain degré d’ambivalence : face à un même événement, des réactions positives et négatives, ou des aspirations contradictoires peuvent coexister en chaque individu. On peut être à la fois tolérant et en demande de fermeté, se montrer altruiste tout en défendant des valeurs individualistes, éprouver des sentiments positifs et négatifs à l’égard d’un candidat ou d’une politique. Ces attitudes peuvent faire l’objet d’un conflit de valeurs. Elles varient aussi selon l’intérêt que l’on porte à la politique. Toujours est-il que l’ambivalence facilite l’influence : l’événement peut faire pencher la balance dans un sens ou dans un autre. La démonstration en a été faite, par exemple, aux États-Unis sur les questions de discrimination. À l’inverse, on peut au contraire se sentir conforté dans ses croyances et ses convictions par un événement. C’est le cœur de la dynamique autoritaire : une partie de la société présente une série de prédispositions à l’intolérance. Elles sont activées par un sentiment de menace normative qui déclenche des attitudes et des comportements. Le contexte n’est pas qu’un miroir grossissant : c’est aussi un miroir réfléchissant qui peut déclencher un incendie.  

De l’importance des récits

Si nous voulons comprendre ce qui érode la culture démocratique, alors il faut prendre le parti-pris inverse : non pas venir interroger la demande et son évolution, mais nous intéresser d’abord à ce qui donne du sens au contexte, c’est-à-dire aux récits. Il s’agit alors de formuler une autre hypothèse : des discours anti-démocratiques sont mis en circulation, ils remettent en cause non pas tant la démocratie institutionnelle que la démocratie comme forme de société – égale dignité, participation de tous, état de droit. Ils lient ensemble des personnages, des événements, des valeurs, des situations qui finissent par structurer nos représentations de la société. Ils déclenchent de cette façon des attitudes et des comportements.

Sarah Schneider-Strawczynski et Jérôme Valette ont exploré cette hypothèse à propos de l’immigration. En s’appuyant à la fois sur des données issues de l’Institut National Audiovisuel (INA) et sur celles de l’Étude Longitudinale par Internet pour les Sciences Sociales (ELIPSS) sur la période 2013-2017, ils constatent « qu’une augmentation d’un point de pourcentage de la part de sujets consacrés à l’immigration sur une chaîne et sur un mois donné est associée, pour un individu initialement peu préoccupé par l’immigration, à une probabilité individuelle plus importante de 2 points de pourcentage de reporter des opinions extrêmes envers l’immigration » et « tire une partie des électeurs du centre et de la droite vers l’extrême droite, tandis que les électeurs du centre gauche augmentent leur probabilité de voter pour la gauche traditionnelle et les partis écologistes. » Plus encore, lorsque la question était abordée à travers son coût ou via la mise en avant de problèmes d’intégration, ces informations tendaient à renforcer la polarisation des attitudes. À l’inverse, lorsque l’information portait sur l’immigration dans d’autres pays d’accueil, l’empathie des publics avait tendance à progresser. La façon dont on raconte le « problème migratoire » – autrement dit l’effet de cadrage – et la répétition de ces histoires – l’effet d’agenda – produisent donc des effets sur les attitudes et les comportements électoraux. La force de ces récits peut même être totalement décorrélée de la réalité : les requêtes Google portant sur le mot « immigration » ont par exemple été moins nombreuses lors de la crise migratoire de 2015-2016 qu’au moment du débat immigration de décembre 2023. Le réel inquiète moins que le discours, qui fabrique littéralement la préoccupation et son langage.

Le constat vaut aussi pour le traitement de la solidarité et des causes de la pauvreté. À notre connaissance, de telles études n’ont pas été menées en France depuis longtemps. Mais au Québec, il a été montré que les articles consacrés aux politiques d’assistance étaient essentiellement cadrés sur les aides sociales et le travail, et les points de vue recueillis en quasi-totalité ceux des responsables politiques. Les prestataires d’assistance ou les bénéficiaires des politiques sociales étaient peu sollicités. Une enquête conduite en parallèle auprès des Québécois sur leur représentation de l’assistance sociale sur la même période tendait à montrer qu’ils avaient des perceptions plutôt défavorables des bénéficiaires et surestimaient le coût des prestations sociales. Autrement dit, leurs représentations s’ajustaient au récit qu’ils entendaient.

On peut, enfin, dresser le même constat sur l’effectivité du récit populiste sur les attitudes et les comportements. Michael Hameleers a par exemple montré qu’aux Pays-Bas, entre 1990 et 2017, les discours anti-élites, centrés sur la volonté populaire comme source exclusive du pouvoir politique et excluant le clivage droite-gauche avaient gagné en importance dans la presse écrite nationale, indépendamment des échéances électorales. En parallèle, les expérimentations qu’il a conduites témoignaient de l’effet d’une communication populiste sur les attitudes aussi bien que sur les comportements politiques d’une partie des répondants, à commencer par les plus radicalisés.

Ces trois cas donnent un aperçu de la façon dont les récits contribuent à déclencher des attitudes et des comportements : les réactions des individus évoluent selon les cadrages ou la mise à l’agenda d’un récit plutôt que d’un autre. Nous les assimilons ou nous les négocions, et contribuons à les faire évoluer à notre tour, en les remobilisant. Dans une société individualisée, nous nous faisons donc une certaine idée du monde social à partir de ce que nous croyons et de ce que nous entendons. Avant d’être une affaire de demande, l’érosion de la culture démocratique est peut-être avant tout une affaire d’offre. Et plus ces récits sont centraux, plus ils sont prescripteurs. Lipset et Rokkan, auxquels on doit la théorie des clivages, le soulignent eux-mêmes : les lignes de démarcation d’une société sont toujours activées par des discours.

Comment des récits marginaux sont devenus mainstream

Cette place centrale occupée par les récits anti-démocratiques appelle dès lors une autre question : celle de savoir comment ces récits se sont imposés et par qui ils ont été imposés, jusqu’à devenir dominants, c’est-à-dire à la fois omniprésents, invisibles et difficiles à remettre en cause, tout en étant suffisamment normatifs pour influencer des comportements. On peut parler à bon droit de « mainstreamisation », c’est-à-dire d’un « processus par lequel (…) des discours et ou des attitudes passent d’une position marginale dans le spectre politique ou la sphère publique à une position centrale, modifiant ainsi ce qui est jugé acceptable ou légitime dans espaces et des contextes politiques, médiatiques et publics. »

Ces récits, on l’a montré, ont besoin des médias pour se déployer, et notamment des médias de référence : ce sont eux occupent la position centrale du débat public. Du côté de la demande, les recherches tendent en effet à montrer que les individus qui présentent des attitudes populistes continuent de s’informer auprès des médias institutionnels, même s’ils recourent également à des sources d’information hyperpartisanes. De même, il semble que l’effet direct des réseaux sociaux sur les comportements et les attitudes politiques des individus reste modeste : ils ne suffisent pas à expliquer la progression des récits nativistes ou populistes. Les médias institutionnels jouent donc un rôle central : ils font entrer ces récits marginaux dans la « sphère de la controverse légitime » en leur consacrant du temps et de l’espace et en acceptant, relayant ou reprenant certaines histoires à leur compte.

La restructuration récente des écosystèmes médiatiques a contribué à accélérer la prévalence des récits concurrents au récit démocratique : en 2019, une étude réalisée par le MédiaLab de Sciences Po, l’Institut Montaigne et le MIT montrait qu’en France, l’offre médiatique était structurée selon un axe vertical, opposant les médias institutionnels (Le Monde, Le Figaro, Libération, Les Echos…) aux médias « de contre-information » (Les Crises, Fdesouche, Sputnik, etc.), mais qu’il n’existait pas de porosité entre les deux : autrement dit, Le Figaro pouvait citer Libération, mais ne citait pas Fdesouche). Dans les médias institutionnels, on n’observait donc pas de polarisation horizontale (sur un axe gauche-droite), de façon aussi marquée qu’aux États-Unis, où une presse de droite radicale s’est détachée du bloc des médias de référence. Néanmoins, les lignes éditoriales des médias audiovisuels se sont progressivement polarisées sur un axe gauche droite ces dernières années. Moritz Hengel montre que ce phénomène s’est accéléré avec le rachat du groupe Canal+ par Vincent Bolloré, en particulier avec la transformation d’I>Télé en CNews. Depuis 2015, Les chaînes du groupe ont ainsi nettement privilégié les invités de droite (+5,5%) au détriment de ceux de gauche (-6,8%). La question va au-delà des invités privilégiés par la chaîne : elle se joue aussi sur les enjeux mis à l’agenda. Une analyse des bandeaux défilants de CNews par l’ONG Sleeping Giants relève ainsi que la chaîne d’information a mentionné le mot « Islam » 355 jours sur 365 en 2023. Il semble donc que nous soyons passés d’une polarisation verticale à une polarisation horizontale en l’espace de quelques années.

Plus encore, le développement du journalisme d’opinion, notamment en ligne, a contribué à exercer « une pression critique sur le continent médiatique dominant. Ces publications sont suffisamment intégrées dans l’espace médiatique dominant pour recevoir, tant à droite qu’à gauche, un bon nombre de liens de la part des médias traditionnels » comme le notait l’équipe du Medialab en 2021. C’est ce qu’on appelle l’effet d’agenda intermédia : en faisant référence à des publications issues du journalisme d’opinion, qui peuvent eux-mêmes faire leur marché dans des publications plus marginales, y compris par l’intermédiaire des réseaux sociaux, les médias de référence contribuent à faire entrer des récits marginaux dans la sphère institutionnelle légitime. Elle passe notamment par la visibilité donnée à des « pseudo-scandales » et à la faits-diversification de l’actualité. La mise en récit médiatique du drame de Crépol en est une illustration patente.  Effet d’agenda et de cadrage, histoires types, répétés à l’envi puis repris par d’autres acteurs : autant d’éléments qui installent des récits anti-démocratiques en les amplifiant et les légitimant.  

Pour autant, si les écosystèmes médiatiques et leur évolution jouent un rôle, on peut toujours objecter que ce rôle n’est pas moteur. Les médias offrent une arène à un débat qui est mené et aiguillé par d’autres, à commencer par les responsables politiques. Il a d’ailleurs été relevé que les médias de référence reprennent des informations issues des médias marginaux parce que des élus s’en sont fait le relais sur les réseaux sociaux. Autrement dit, même les effets d’agenda intermédia reposent également sur d’autres canaux que ceux de la presse. L’impulsion serait donc à aller chercher en premier lieu du côté de l’offre politique.

L’évidence pousse à attribuer ce pouvoir en premier lieu à l’extrême droite. Non seulement parce qu’elle y a intérêt, puisque ses succès électoraux reposent en partie sur sa capacité à imposer les problèmes pour lesquels elle apparaît comme une solution, mais parce qu’elle semble en maîtriser la technique rhétorique. En s’intéressant au populisme, et en particulier au populisme d’extrême droite, la recherche a d’ailleurs fortement insisté sur le fait que son efficacité reposait moins sur le fond – la vision du monde promue, bien moins structurée que d’autres récits idéologiques – que sur la forme – c’est-à-dire le style. Ces techniques permettraient de peser sur l’agenda, de promouvoir ses propres cadrages, et in fine d’élargir la fenêtre d’Overton, c’est-à-dire l’ensemble des idées considérées comme acceptables dans la sphère du débat public.

Le succès de ces récits serait donc d’abord affaire de performance et d’incarnation. Il s’agit avant tout de jouer sur l’opposition entre « nous » et « eux », entre « le peuple » et les « élites », en mettant en scène les « mauvaises façons » de ses adversaires avec un langage souvent agressif et injurieux. On viendra saluer en contrepoint la vertu et la légitimité des citoyens ordinaires. Il ne sera plus question de remettre en cause la dimension institutionnelle de la démocratie, comme l’extrême droite a pu le faire par le passé : elle joue désormais le jeu de l’élection. Il s’agit bien au contraire de s’en revendiquer. C’est même en son nom que l’on s’attaquera à l’état de droit comme à une limite indue imposée par les règles de droit à la légitimité et à la volonté populaires. On proposera des intrigues simples, mais percutantes, qui consistent à dramatiser et simplifier à outrance, en jouant sur les clichés à grande échelle, pour mieux présenter son offre comme une évidence

L’efficacité de ces techniques ne serait plus à prouver : on peut la mesurer à la fois à travers les succès d’audience et les victoires électorales. Elle pousserait alors les partis de gouvernement, par contagion, à s’aligner. Victimes du succès rhétorique et électoral de l’extrême droite, ces partis reprendraient par la suite des éléments de récit à des fins stratégiques pour répondre à une demande populaire. En parallèle, l’extrême droite, qui bénéficierait de la banalisation de ses propres récits, n’aurait plus qu’à se recentrer ou tout du moins à entretenir le flou sur ses positions pour élargir son socle électoral. Le tout conduirait donc mécaniquement à l’accès au pouvoir.

Plusieurs éléments semblent confirmer cette mécanique. En 2014, un réalignement électoral a commencé. Il est désormais consolidé. Les positionnements défendus par la droite de gouvernement puis par le centre libéral au pouvoir se sont radicalisés : les débats autour de la loi immigration de l’automne 2023 en sont la dernière illustration. Le RN s’est notabilisé : il est aujourd’hui considéré par 44% des Français comme un parti capable de gouverner le pays et par 40% comme un parti proche de leurs préoccupations, contre respectivement 25% et 30% en 2017 selon l’enquête Fractures Françaises. Le constat vaut aussi pour les Pays-Bas, l’Autriche ou l’Italie, pour ne citer que quelques exemples.

Pour autant, comme le soulignent Katy Brown, Aurélien Mondon et Aaron Winter, si cette approche permet de comprendre l’origine des récits qui viennent altérer la culture démocratique, elle ne doit pas occulter certains facteurs. Les acteurs « mainstream » ont aussi leur part de responsabilité : leur accès aux médias et leurs capacités prescriptrices, notamment auprès de leurs propres audiences, sont autrement plus importantes que ceux de l’extrême droite elle-même. Parce qu’une majorité de citoyens sont ambivalents, parce qu’ils ne sont pas experts de l’ensemble des problématiques soumises au débat, les « signaux » (elite cues) qu’envoient les responsables politiques, les experts reconnus et plus largement les voix qui ont un accès aux médias contribuent à faire pencher la balance dans un sens ou dans un autre. Ces signaux sont d’autant plus attendus sur des sujets à fort enjeu. Vincent Tiberj suggère, par exemple, qu’à la suite des attentats de 2015, le positionnement défendu par des responsables politiques de centre droit, à l’instar d’Alain Juppé, de Xavier Bertrand ou de Nathalie Kosciusko-Morizet, appelant à une identité apaisée, a contribué à faire remonter le niveau de tolérance, notamment auprès des Français positionnés à droite. Reprendre les éléments de récit portés par l’extrême droite est donc un choix actif : il n’est pas seulement subi et il aurait pu en être autrement. L’exemple Wallon, où le « cordon sanitaire médiatique et politique » vis-à-vis de l’extrême droite est depuis longtemps en vigueur et l’extrême droite quasiment inexistante d’un point de vue électoral a longtemps servi d’exemple contrefactuel. Même s’il est plus fragile depuis les dernières élections, il semble encore tenir.

On pourra ajouter que les formations d’extrême droite ne sont pas les seules à produire des récits qui viennent ébranler la culture démocratique. Si l’on s’en tient, par exemple, à celui de la fraude sociale, qui contribue indirectement à remettre en cause l’horizon d’une égale dignité de tous puisqu’il suggère que le système social est miné par des « passagers clandestins », il est davantage à imputer aux partis de gouvernement de centre droit qu’à l’extrême droite elle-même. Vincent Dubois montre ainsi comment ce récit s’est imposé, après l’accession au pouvoir de la droite en 1995, pour répondre alors à la préoccupation grandissante du gouvernement face au niveau de la dette publique. Le rapport qui avait été commandé montrait alors qu’il s’agissait d’un phénomène marginal. Cela n’a pas empêché le gouvernement d’insister sur son existence, pour légitimer notamment des réformes de réduction de la dépense publique. Le récit s’est ensuite trouvé amplifié et dramatisé (on se souvient du « cancer de l’assistanat » dénoncé par Laurent Wauquiez). Le nombre de questions au gouvernement consacré au sujet par les parlementaires témoigne de cette intensification : entre 2007 et 2012, il était 14 fois plus important que sur la période 1988-1992. Le Rassemblement national ne s’est emparé du sujet que tardivement, en le rattachant à ses propres thématiques. Il a peu remis en cause la légitimité des aides sociales. Mais il a associé la fraude à l’immigration, en l’intégrant dans un récit nativiste. Ainsi dit, ces récits n’ont pas qu’une seule force motrice : ils en ont plusieurs.

Enfin, cette approche consacre la stratégie électorale comme motivation première à l’origine du développement et de la promotion de ces récits. C’est oublier, notent les trois politistes, que ces récits contribuent à façonner les politiques publiques. Et ces politiques publiques, par effet retour, contribuent à leur tour à renforcer cette perception des phénomènes sociaux. Ainsi, les récits portant sur l’immigration ont donné lieu à des politiques de contrôle et de fermeté, qui ont à leur tour créé des attentes de renforcement des contrôles et modifié les cadres de représentation du phénomène migratoire. Il devient difficile de débattre du sujet autrement que sous cet angle. Ceux qui voudraient faire entendre une autre voix se trouvent ainsi piégés par cette dynamique : constatant que ces récits dominent l’agenda et que les politiques publiques les renforcent, ils se sentent contraints d’adopter des approches de contre-récit. Ils s’opposent, s’attachent à déconstruire ces représentations, ce qui n’a qu’un effet marginal sur les publics ambivalents mais tend surtout à maintenir à l’agenda les récits qui posent problème et donc à servir, in fine, les intérêts de ceux qui s’attachent à remettre en cause la culture démocratique.

Une prophétie auto-réalisatrice ?

De cette analyse, on peut tirer trois conclusions. La première, c’est que la mainstreamisation de ces récits est bien une affaire d’offre avant d’être une affaire de demande. La seconde, c’est qu’elle est moins linéaire et mécanique que systémique : elle ne repose pas sur le seul pouvoir de l’extrême droite ou sur celui des médias, mais implique un ensemble d’acteurs et de dimensions qui se renforcent mutuellement et modifient ainsi nos représentations. Autrement dit, modifier un cadrage ou réussir à délégitimer un émetteur d’extrême droite ne suffit pas à changer un récit dominant. De même, un cadrage qui fonctionne à un instant t peut ne plus fonctionner la fois suivante. De là vient sans doute aussi notre sentiment que la catastrophe est irrémédiable : c’est une dynamique implacable sur laquelle il est difficile d’avoir prise. On pourrait ainsi la modéliser de la façon suivante.

La dernière conclusion qui peut être tirée de cette analyse, c’est que les acteurs qui participent à la mainstreamisation de ces récits finissent toujours par légitimer leur discours en s’en référant à la demande. Si la catastrophe est irrémédiable, disent-ils en substance, c’est que les Français la désirent, puisqu’ils votent pour, ou s’abstiennent tout du moins de voter contre. La boucle est bouclée et nous ramène au point de départ de notre réflexion.

C’est peut-être ici que se situe le nœud du problème : ces acteurs, et les responsables politiques en particulier, ont une perception inexacte de l’opinion. Ils comprennent mal les attentes et les préférences des Français dans leur ensemble, et de leurs électeurs en particulier. Ils les voient plus à droite qu’ils ne le sont. Autrement dit, c’est parce que les élites pensent que la société, dans son ensemble, est en demande de chauvinisme social et autoritaire qu’elles se mettent à promouvoir ces idées à leur tour, ce qui contribue à activer des croyances et des attitudes sous-jacentes dans une partie de l’opinion. Il s’agit là ni plus ni moins d’une prophétie autoréalisatrice : ces représentations sont inexactes, elles ne sont pas conformes à la réalité, mais à force d’être promues, elles finissent par la forger. En définitive, cette dynamique auto-réalisatrice vient interroger les études d’opinion elles-mêmes, la façon dont elles sont construites et l’usage qui en est fait. En s’intéressant davantage à ce qui fragilise la culture démocratique plutôt qu’à ce qui témoigne de son renforcement, elles contribuent à produire du récit. Le thermomètre n’est pas neutre : lui aussi est poreux aux effets de cadrage et aux effets d’agenda.

Que faire ?

Comment mettre fin à une telle prophétie auto-réalisatrice que la récente dissolution de l’Assemblée nationale et l’organisation d’élections législatives anticipées n’ont fait qu’amplifier ? D’ici au 7 juillet, seule la mobilisation de l’électorat tolérant pourra bloquer l’érosion de la culture démocratique. Mais même si l’issue était positive, ce que l’on est en droit d’espérer, cette érosion ne prendra pas fin au lendemain des élections législatives. Elle appelle un travail de long terme. Il est sans aucun doute ingrat, peu visible et n’apportera peut-être pas de gains politiques immédiats. Il est pourtant indispensable.

Du point de vue de la communication politique, il repose d’abord sur une reprise en main de l’agenda. Le débat public est saturé de récits qui bénéficient à l’extrême droite. À cette saturation, il convient d’en imposer une autre, en multipliant des histoires qui font prévaloir d’autres enjeux – question climatique, question sociale, question démocratique : c’est en répétant les histoires et en alignant les émetteurs qu’on fait évoluer un récit dominant. Cette reprise en main de l’agenda ne part pas de rien. Même si les récits anti-démocratiques sont aujourd’hui ultra-prévalents, d’autres récits qui mettent en avant les enjeux sociaux, climatiques et démocratiques sont déjà en circulation et influencent de façon sous-jacente le débat public. Ses effets sont déjà visibles sur une partie de l’opinion. Il s’agit désormais de la renforcer.  

Mais la question va au-delà de la communication politique. On ne soulignera jamais assez combien les récits guident l’action. Les récits que les élites se font de l’opinion publique guident leur positionnement et les politiques qu’ils mettent en œuvre. Les récits que les individus assimilent, négocient et produisent pour éclairer leur propre expérience de vie guident leurs attitudes et leurs comportements politiques.

Bien trop de sondages suivent une grille de lecture tout à fait discutable et sont pris pour argent comptant. Démontrer aux élites qu’elles voient la société plus à droite qu’elle ne l’est, qu’une grande partie de la population est en attente d’autre chose que de chauvinisme social n’est pas seulement un devoir de vérité : c’est un moyen de faire évoluer l’offre politique. Montrer aux décideurs qu’ils peuvent s’appuyer sur d’autres récits que les récits anti-démocratiques pour réunir une majorité n’est pas seulement un impératif moral : c’est un levier pour faire évoluer les comportements électoraux. En modifiant la perception de la demande, on peut modifier l’offre, ce qui peut faire évoluer le vote.

Pour autant, il faut se garder de voir les récits comme des formules magiques qu’il suffirait de faire évoluer pour faire changer la société. Qu’ils soient assimilés ou négociés, ils viennent toujours s’articuler à des expériences de vie. Une part grandissante de la société vit une absence de maîtrise de l’avenir, des difficultés au travail, à se loger, à se nourrir, à se déplacer. Ces difficultés sont autant de souffrances sociales qui génèrent un ressentiment, lequel rend d’autant plus réceptif aux récits anti-démocratiques. C’est donc en déployant des politiques publiques qui prennent en charge ces inégalités nouvelles que l’on peut changer la réception des récits. La culture démocratique n’est pas qu’une belle histoire : c’est d’abord une forme de société qu’il s’agit de faire vivre.

Enfin, briser cette prophétie auto-réalisatrice, c’est aussi se souvenir que les récits ne répondent pas seulement à un besoin de compréhension du monde ou à un besoin existentiel. Ils répondent aussi à un besoin social : ils créent du lien entre les individus. La force des récits anti-démocratiques portés par l’extrême droite ne repose pas uniquement sur le pouvoir de séduction qu’ils exercent, ni même sur les relais dont ils bénéficient dans l’espace médiatique : ils fonctionnent aussi parce que les militants du RN sont présents sur le terrain pour les porter, là où d’autres formations partisanes sont absentes. Dans des territoires où se « juxtaposent les solitudes », où les pratiques collectives se font rares, où celles et ceux qui portent une parole démocratique et font vivre la solidarité sont partis, l’extrême droite finit par devenir le seul et unique débouché politique. C’est ce travail, long mais indispensable, de présence sur le territoire qui peut aussi renverser la donne. 

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François-Xavier Demoures