Édito

Promesses et périls de l’IA

Publié le 5 mai 2023
ChatGPT4 saurait-il écrire l’édito de la semaine pour La Grande Conversation ? A peine rendue publique, et sans qu’on sache aujourd’hui prédire quels en seront les usages les plus courants, cette technologie d’IA générative suscite bien des spéculations. Quels seront ses impacts sur l’emploi ? Et ses effets sur le débat public, alors qu’il est avéré que Chat GPT4 ne fait pas la différence entre une information fiable et une rumeur ? Malédiction ou opportunité ? Le débat est ouvert.
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Deux points de vue différents saluent la découverte des outils d’intelligence artificielle génératrice de contenus (à travers Chat GPT4) par le grand public. D’un côté, l’économiste spécialiste des finances publiques (sous le pseudonyme de Fipaddict) s’intéresse aux inquiétudes qui concernent l’emploi. Car ce sont des emplois qualifiés qui pourraient se trouver menacés par l’utilisation des applications conversationnelles ou de production de contenu automatisée. Le nombre de métiers potentiellement impacté est spectaculaire d’après les premières projections économiques. Mais sont-elles réalistes et n’y a-t-il que des mauvaises nouvelles ? L’auteur nous montre que la grande nouveauté de l’IA générative est bel et bien de démocratiser l’expertise cognitive, les compétences de rédaction, de synthèse, d’invention et d’investigation. Quel sera l’impact de cette révolution, aux contours inédits, sur les inégalités dans le monde du travail ? Pour répondre à cette question, l’expertise scientifique, notamment en économie, est d’ores déjà en marche : les premières publications rapportées ici par Fipaddict révèlent que ChatGPT renforce les compétences des moins diplômés, et qu’il nous reste à penser (avec, suggère l’auteur, de bonnes raisons de s’en réjouir) ce qu’une telle démocratisation des compétences intellectuelles peut faire au marché de l’emploi.
Pour autant, en matière de régulation politique des effets de l’IA, la prudence demeure de mise, comme le montre Alberto Fernandez Gibaja dans un article de Agenda Publica que nous traduisons cette semaine. Sur fond de prolifération des canaux de désinformation, via les réseaux sociaux, il y a, selon lui, tout à craindre, pour la démocratie, d’une diffusion de contenus innombrables dont l’IA générative ne peut que renforcer le potentiel nuisible. A moins de miser sur une réglementation ambitieuse, à laquelle il invite toutes les parties prenantes, des partis politiques aux médias en passant par les agences de régulation, le Parlement et le pouvoir judiciaire – sans oublier la nécessité de structurer sans attendre une gouvernance mondiale responsable. Ces deux contributions s’inscrivent dans un dossier que nous ouvrons sur les « mutations numériques », qui sera régulièrement alimenté dans les semaines qui viennent.

Notre rapport au travail, bouleversé par l’arrivée de ces nouvelles technologies, est en trop grande partie resté en sous-texte des mobilisations contre la réforme des retraites. C’est pourquoi nous avons demandé à un expert des organisations, François Dupuy, d’expliquer pourquoi notre rapport au travail semble si difficile. Pourquoi l’idée de prolonger de deux ans la vie au travail au détriment de la retraite semble-t-elle aussi insupportable à la très grande majorité des actifs ? Le sentiment de pression et de manque de reconnaissance se renforce malgré la diffusion de nouveaux outils managériaux censés favoriser la coopération au travail. Malgré ces outils ou à cause d’eux ? L’organisation du travail reste mal pensée ou mal mise en œuvre, explique François Dupuy, parce que les rapports hiérarchiques restent prédominants dans notre culture managériale.

Deux autres éclairages viennent s’inscrire dans notre dossier sur l’Ukraine. La Moldavie, tout d’abord, était au centre de l’attention il y a quelques semaines, car les risques d’une extension de l’agression russe y semblaient possibles, à partir des territoires sécessionnistes de Transnistrie. Mais quelle est la situation de ce territoire disputé, le premier où la stratégie russe de déstabilisation par l’encouragement de mouvement séparatistes s’est manifestée dès 1992 ? Spécialiste de la Moldavie, Florent Parmentier fait ici le point sur les perspectives du pays, qui a accueilli de nombreux réfugiés ukrainiens depuis février 2022 et qui a maintenant le statut de pays candidat à l’Union européenne. La Grande Conversation a aussi demandé au spécialiste des relations internationales Ghassan Salamé son analyse sur la position des pays du Sud vis-à-vis de la guerre en Ukraine. La notion de « Sud Global » s’est imposée en quelques années pour définir un ensemble hétérogène de pays non alignés au nom desquels prétendent souvent s’exprimer les autorités russes et chinoises. Pour autant, explique-t-il, il n’existe pas de stratégie commune de ces pays, qui réagissent à un système international fragmenté en cherchant à maximiser leurs intérêts en ordre dispersé.

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