Édito

Malaise agricole

Publié le 24 janvier 2025
On parle peu du monde agricole et moins encore des élections aux chambres d’agriculture. Le fonctionnement de ces institutions essentielles est mal connu. Les élections professionnelles agricoles qui se déroulent jusqu’au 31 janvier illustrent une évolution des sensibilités et des rapports de force parmi les agriculteurs, même si le mode de scrutin favorise le statu quo. Confrontée à de nombreux défis et tensions internes, l’agriculture française est à la croisée des chemins.

Le monde agricole est appelé aux urnes tous les six ans pour renouveler ses représentants dans les chambres d’agriculture. Ces élections interviennent dans un contexte tendu, moins d’un an après de larges mobilisations, qui ont traversé nombre de pays européens. Pour répondre à l’expression du malaise agricole, la tentation est grande, notamment au Parlement européen, de céder au nouvel écoloscepticisme et de revenir sur les orientations de la transition verte. Pourtant, quoi qu’en disent les mouvements populistes, il n’y a pas de revirement massif de l’opinion sur les impératifs d’une transformation de notre modèle agricole, même si le consommateur s’est détourné de la consommation « bio » au pic de l’inflation.

Les exploitants agricoles ont été confrontés à l’augmentation des prix de l’énergie due à la guerre russe contre l’Ukraine. Ils s’inquiètent, à terme, des effets d’une entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne. Ils sont exposés en première ligne aux effets d’une éventuelle guerre tarifaire de Trump contre l’Europe. Ils sont inquiets à la perspective d’un accord de libre-échange avec le Mercosur. Il leur est surtout difficile de se projeter dans un nouveau modèle d’exploitation, dont l’avenir dépend aussi de la transformation de notre rapport à l’alimentation.

Les exigences de la transition agricole se présentent donc dans un moment de multiples défis : produire pour nourrir les Français et exporter, bien sûr, mais en prenant en compte le changement climatique et la défense de la biodiversité, tout en permettant aux producteurs de vivre dignement de leur travail. Alors qu’il y a de moins en moins d’agriculteurs en France, et que le renouvellement générationnel devient une priorité,  la transition agricole représente un projet global qui rencontre des résistances puisqu’elle impose de sortir du statu quo, dans laquelle beaucoup d’exploitations ne se retrouvent plus.

Les élections aux chambres d’agriculture représentent donc un rendez-vous important cette année, rappelle Suzanne Gorge. Le rôle dominant quasi-exclusif de la FNSEA, en alliance avec les Jeunes Agriculteurs (55% des voix à eux deux lors des dernières élections), pourrait être remis en cause lors de cette élection. Deux autres tendances, très opposées, ont émergé, avec la Coordination rurale et la Confédération paysanne (autour de 20% des voix chacune il y a six ans). Des équilibres internes du monde agricole et une organisation très étroite des relations avec l’Etat sortiront sans doute profondément transformés de ce vote.  

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