Édito

Le 30 juin, un vote sous pression

Publié le 27 juin 2024
Le premier tour des élections législatives ce dimanche 30 juin ramène le vote à une question simple : veut-on une majorité RN au Parlement le 7 juillet prochain et, par conséquent, un gouvernement d’extrême-droite ? Après le bon score de la liste de Raphaël Glucksmann aux élections européennes, un nouveau rapport de force se dessinait à gauche. La dissolution de l’Assemblée nationale a gelé cette opportunité de recomposition politique et placé les Français devant les choix contraints d’une élection décidée à l’ombre du score dominant du Rassemblement national.
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Les calculs politiques sur les effets d’une cohabitation entre le Président et le parti de Marine Le Pen ne doivent pas se fonder sur l‘expérience des cohabitations passées, que ce soit sous François Mitterrand et sous Jacques Chirac. Jean-Louis Missika et Thierry Pech défendent l’idée que nous aurions aujourd’hui affaire à une cohabitation d’un nouveau type dont les effets politiques seraient très différents.

Pour le géographe Jacques Lévy, ces élections sont l’occasion de confirmer une nouvelle tripartition politique française dont il avait décrit dès 2022 les lignes de force. Considérant le clivage gauche/droite dépassé, il analyse les forces en présence selon une nouvelle répartition entre progressistes, conservateurs et réactionnaires. En débat avec cette position, Thierry Pech relève dans sa réponse que le choix soumis aux électeurs est contraint par le système électoral. On ne peut en effet sous-estimer la contrainte qu’exerce le mode de scrutin majoritaire à deux tours. L’alliance à gauche du Nouveau Front Populaire ne résulte pas de choix idéologiques mais plutôt d’un rapprochement imposé par les règles du jeu majoritaire.

C’est pourquoi, on peut contester l’idée avancée par le Président de la République pour justifier la dissolution, que le vote produira une « clarification ». Au contraire, défend Marc-Olivier Padis, le Président est lui-même responsable de la confusion politique actuelle, en refusant la logique de coalition que son absence de majorité parlementaire lui imposait et en jetant le pays dans un vote inattendu, dans des délais qui ne permettent pas une vraie délibération politique. 

On peut craindre que le choix d’une élection aussi rapprochée d’une victoire du RN aux élections européennes ne bénéficie d’abord à l’extrême droite. Il est d’autant plus urgent d’analyser le contenu du programme du RN dont les conséquences concrètes vont bien au-delà des discours lénifiants tenus par le candidat Jordan Bardella dans les médias.

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Ainsi, quand on examine les projets de loi et amendements défendus par le RN au Parlement depuis 2022, on découvre des mesures qui ne sont pas exposées dans son programme. A propos du monde du travail, Alexandre Durain montre ainsi que les députés du RN ont tenté d’exclure les étrangers extra-européens de l’assurance chômage, des élections professionnelles et des instances représentatives des entreprises. Alors même que le RN dénonce sans cesse le supposé refus de s’intégrer de nombreux immigrés, ces mesures auraient frappé celles et ceux qui s’intègrent justement par le travail, paient des impôts et cotisations et contribuent à l’effort productif de la nation.

De la même manière, à propos des questions de sécurité, Marc-Olivier Padis interroge ce que pourrait signifier concrètement deux mesures phares du programme du RN : le « renforcement » de la protection fonctionnelle des agents publics ainsi que l’instauration d’une « présomption de légitime défense » pour les forces de l’ordre. Loin d’apporter davantage de sécurité, la mise en cause de textes actuellement reconnus et protecteurs risqueraient de dégrader les relations police-population en cas de victoire du RN et de créer du désordre.

Il est d’autant plus important de décrire les mesures concrètes prévues, ou cachées, du programme du RN que celui-ci impose depuis plusieurs années un récit de sa progression « inéluctable ». François-Xavier Demoures analyse ici le fonctionnement de ce récit, son développement, sa diffusion dans les médias classiques et sa force d’entrainement sur les forces de droite traditionnelles. Une analyse qui aide à comprendre l’artifice de la présentation d’une progression « irrésistible » et mieux la déjouer.

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