Édito

Heurs et malheurs de la délibération

Publié le 16 juin 2023
Polémiques, invectives, débats escamotés : le spectacle du (non) débat politique a de quoi décourager les citoyens. De fait, une part croissante d’entre eux se réfugie dans un silence contraint, de peur d’être entrainé dans des échanges clivants. Même les outils qui semblaient promettre un large espace de discussion sans limite, comme les réseaux sociaux, fonctionnent aujourd’hui à l’encontre de leur utopie originelle, brouillent la communication et polarisent les opinions. Peut-on remédier à ces tendances polarisantes et retrouver le goût du débat ?
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D’ici la fin de l’année, les parlementaires débattront d’un projet de loi sur la fin de vie. La Grande Conversation a suivi, depuis son lancement, le travail de la Convention citoyenne réunie pour débattre d’une éventuelle évolution des textes actuels. Cette semaine, La Grande Conversation propose un bilan de cet exercice avec Claire Thoury, la présidente du comité de gouvernance de cette Convention. Son dialogue avec Thierry Pech, qui avait tenu un rôle analogue pour la Convention climat, est l’occasion de comparer les deux expériences, de confronter leurs différences et de tirer des leçons en vue de futures délibérations citoyennes qu’ils appellent tous les deux de leurs vœux.

Les deux sujets traités – l’évolution de la loi encadrant la fin de vie et les politiques à mettre en place pour respecter la trajectoire climat de la France – étaient très différents. Mais l’implication active des citoyens tirés au sort, leur volonté d’être pris au sérieux et de répondre au mandat qui leur avait été confié montrent une grande demande de participation politique. Chaque Convention répond à sa façon à la question de la justification démocratique de ces formats, dont la légitimité a été discutée au nom de la défense du système représentatif. Réunies à la demande de l’exécutif, les Conventions servent à éclairer les travaux des parlementaires. Leur statut institutionnel, dans cet entre-deux, suscite bien des interrogations. En partageant les doutes et les succès des expériences qu’ils ont accompagnées, Claire Thoury et Thierry Pech éclairent ici à nouveau, d’un point de vue pratique, les conditions de réussite de ces formats.  

Tout ce débat doit être replacé dans le cadre élargi d’une réflexion sur la crise de la délibération. C’est à quoi nous invite  Jean-Louis Missika. La demande citoyenne de participation témoigne d’une forte attente démocratique. Mais le malaise est à plusieurs dimensions. Il touche le travail parlementaire lui-même, comme on l’a vu avec le débat escamoté sur la réforme des retraites. Il concerne aussi, plus largement, les conditions du débat public. Celles-ci subissent les effets d’une polarisation des opinions, fabriquée notamment par la prédominance des réseaux sociaux qui configurent pour une grande part notre accès à l’information… et à la désinformation. Médias traditionnels et responsables politiques ont du mal à résister à la pression de la montée aux extrêmes. Au-delà du constat, Jean-Louis Missika propose un principe régulateur pour garantir le pluralisme des opinions et éviter que les citoyens ne se détournent d’un monde perçu comme trop violent et fauteur de clivages. Restaurer la conversation démocratique… telle est bien la tâche prioritaire que se propose justement La Grande Conversation !

Cette semaine, François Kirstetter propose également une réflexion sur la décarbonation du secteur aérien. La feuille de route publiée récemment par les administrations parie sur une croissance plus lente du trafic et le développement rapide de carburants bas carbone : les « carburants d’aviation durable ». Sauf que pour satisfaire une demande en croissance, la production de ces nouveaux carburants mobiliserait l’équivalent de 15 EPR ! Il faudra donc se résoudre, selon l’auteur, à des politiques de maîtrise de la demande. 

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William Desmonts s’interroge enfin sur l’avenir de l’Union européenne. Alors même qu’elle semble être sortie renforcée des crises récentes (pandémie, guerre en Ukraine…), les perspectives de moyen-long terme paraissent bien sombres : le développement des populismes et la radicalisation des forces de droite un peu partout sur le continent risquent de condamner les efforts d’intégration au moment où il faudra envisager de nouveaux élargissements (Ukraine, Moldavie, Balkans occidentaux…), où les Etats-Unis sont sur le chemin d’une confrontation avec la Chine, où le « Sud global » se détourne du Vieux continent et où se développent des politiques économiques particulièrement non coopératives (notamment l’IRA de Joe Biden). 

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