Édito

Faire quand même (encore mieux) sans les Américains

Publié le 14 mars 2025
Les Etats-Unis ne sont pas dans une phase isolationniste comme ce pays en a déjà connu par le passé. Leur visée n’est pas de se retirer du système international dont ils avaient assuré la promotion après 1945, d’ailleurs largement à leur bénéfice. L’administration Trump est en réalité directement hostile au multilatéralisme tel qu’il fonctionne. Ils veulent imposer de nouvelles règles internationales, selon une pure logique de puissance.

Comme l’a clairement déclaré Mario Rubio, le secrétaire d’Etat aux affaires étrangères, lors de son audition de confirmation devant le sénat le 15 janvier 2022 : « L’ordre mondial d’après-guerre n’est pas seulement obsolète : il est désormais une arme utilisée contre nous. » Il s’agit donc de précipiter l’effondrement de l’ancien ordre des choses pour favoriser un nouvel ordre international, définitivement favorable aux intérêts américains.

Comment les Européens, et les autres pays, peuvent-ils réagir devant cette offensive ? Selon les économistes Jean Pisani-Ferry et Olivier Blanchard, la stratégie américaine ne doit pas nous conduire à abandonner les politiques multilatérales sur les grands enjeux de la planète. D’une part, parce que la quasi-totalité des Etats partage les grands objectifs de la lutte pour la santé mondiale, contre le chaos climatique, pour des règles commerciales partagées ou encore des règles fiscales coordonnées. D’autre part, parce que le retrait américain ne nous condamne pas à l’impuissance : beaucoup de chemin peut être parcouru sans eux, sans tarder. C’est à l’Europe de montrer qu’une voie de passage reste possible.

Churchill disait en substance que la Russie n’était jamais aussi faible qu’elle en avait l’air mais jamais non plus aussi forte qu’elle le prétendait. Dans le jeu d’alliances que Poutine cherche à mettre en valeur pour dissiper l’impression d’isolement diplomatique, l’Iran tient une place essentielle. Téhéran et Moscou ont mis en scène en janvier dernier la signature d’un accord de soutien mutuel. Mais qu’en est-il exactement de leurs relations ? L’opportunisme domine ce rapprochement, explique le chercheur Olivier Roy, car les deux pays n’ont plus les moyens de mener des stratégies d’envergure dans la région. Surtout, l’effondrement brutal du régime de Bachar Al-Assad à Damas, que les deux pays portaient à bout de bras, est un coup dur pour leur diplomatie et pour la crédibilité de leurs dirigeants.

En Europe, les récentes élections allemandes pourraient conduire à une révision importante de quelques fondamentaux économiques et géopolitiques si la prochaine coalition remet en cause la politique d’austérité budgétaire et prend la mesure du revirement américain. La progression électorale de l’extrême droite s’est confirmée outre-Rhin à l’occasion de ce vote. Qui sont les électeurs et électrices de l’AfD ? Si l’implantation privilégiée de ce parti à l’Est s’est confirmée, le vote a également progressé dans des zones désindustrialisées à l’Ouest, montrant qu’il ne s’agit plus seulement d’un vote de contestation mais d’un choix qui rassemble un électorat plus large et au profil sociologique plus diversifié.

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