Édito

Des élections cruciales dans une Allemagne en proie au doute

Publié le 21 février 2025
Adeptes de la plus stricte orthodoxie budgétaire, les libéraux allemands (FDP) ont provoqué l’éclatement de la coalition d’Olaf Scholz en novembre dernier. C’est pourquoi les électrices et électeurs allemands sont invités ce dimanche 23 février à élire une nouvelle assemblée. Même si le parti conservateur (CDU/CSU) est largement en tête des intentions de vote (autour de 30% des voix), il devra très probablement former un accord de gouvernement avec le parti social-démocrate pour avoir une majorité au Bundestag.

La forte progression du parti d’extrême droite AfD, incroyablement promu par le nouveau pouvoir américain, a fortement pesé sur les thèmes de la campagne électorale, notamment les migrations. Mais c’est surtout la situation économique intérieure qui reste le thème décisif pour les électeurs. C’est pourquoi nous interrogeons cette semaine le directeur de l’institut pour la recherche économique allemand (DIW). Pour Marcel Fratzscher, l’Allemagne doit repenser son modèle industriel exportateur, libérer les investissements nécessaires dans les infrastructures et les nouvelles technologies. Mais le refus de l’endettement, la nostalgie des années 2010 et le manque de courage politique des responsables des partis de gouvernement rendent peu probable, à court terme, une réaction à la hauteur des enjeux. Sauf si un contournement par l’échelle européenne permettait de dépasser les blocages allemands…

En France, le thème de la « fracture territoriale » ne cesse de prospérer dans le débat public. On ignore pourtant le plus souvent la réalité des inégalités territoriales parce qu’on se limite à invoquer un « sentiment d’abandon » mal défini. On ne tient aucunement compte, en outre, des puissants mécanismes de redistribution et de solidarité qui corrigent les déséquilibres entre territoires. Le géographe Arnaud Brennetot, cartes à l’appui, rappelle ici des chiffres essentiels mais trop méconnus et s’étonne surtout que des électeurs, souvent d’origine modeste, votent pour un parti dont les promesses économiques iraient directement à l’encontre de formes substantielles de redistribution qui jouent aujourd’hui en leur faveur.

Parler vrai, refuser la démagogie et faire comprendre l’économie : c’étaient quelques-unes des qualités de Michel Rocard. Alors qu’il était Premier ministre en 1990, il avait enregistré une vidéo dans laquelle il faisait le point sur son action et retraçait les grands défis auxquels il invitait les Français à se confronter avec confiance, entraînés par un « devoir d’imagination ». Cette archive, au-delà d’un document historique, jette par contraste une lumière sans concession sur le manque de clarté de bien des discours politiques contemporains mais offre aussi, plus positivement, l’exemple, toujours inspirant, d’une expression politique qui n’est pas condamnée à la facilité ni au reniement.

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