Édito

Dépassés par la technique ?

Publié le 7 juillet 2023
Allons-nous trop vite dans l’innovation technique ? Les performances et la facilité d’usage de nouveaux outils numériques apparus dans les derniers mois (ChatGPT, par exemple) interrogent sur notre capacité à assimiler sans choc culturel, politique et social majeur les innovations dont le rythme semble s’accélérer. Faut-il actionner des freins de secours ? La question est récurrente à chaque moment de rupture technologique. Mais les prophètes de la révolution technique n’en font-ils pas un peu trop ?
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Au premier rang des mutations qui affectent notre société se trouve la révolution numérique à laquelle nous consacrons un dossier. L’irruption d’une nouvelle technologie produit régulièrement des spéculations contradictoires : opportunités de croissance et de bien-être d’un côté, menaces sur les positions acquises et l’emploi de l’autre… Et l’on accuse facilement les nouveaux outils technologiques d’être à l’origine de nos désarrois, faute d’explication plus accessible.

Le choc de ChatGPT n’a pas échappé à la règle. On prédit déjà que des dizaines de milliers d’emplois seront (ou sont déjà) affectés par une diffusion de cette nouvelle technologie dont la courbe d’amélioration des performances est impressionnante. En même temps qu’il pourrait permettre à des salariés peu qualifiés d’accéder à des compétences et des connaissances jusqu’ici monopolisées par les salariés les plus qualifiés (https://www.lagrandeconversation.com/economie/faut-il-avoir-peur-de-lia/), cet outil d’intelligence artificielle générative risque de permettre aux techniques de désinformation de franchir un cap inquiétant. Faut-il ralentir le mouvement de l’innovation ? Au risque de décrocher par rapport à des pays qui n’ont pas les mêmes hésitations ?

Dans la course de vitesse mondiale à l’innovation numérique, l’Europe semble manquer d’élan. Ses investissements peinent à suivre les volumes déjà atteints aux Etats-Unis ou en Chine. L’innovation y semble entravée ou limitée à une trop petite échelle. C’est également un sujet de débat entamé ici.

Un autre risque que pointe cette semaine Olivier Ezratty pour La Grande Conversation réside dans les promesses excessives des entrepreneurs des nouvelles technologies. Est-on en train de nourrir une bulle autour du quantique ? De nombreux acteurs croient aujourd’hui au potentiel du numérique quantique. Certains y ont intérêt parce qu’ils y ont investi… ou que c’est leur domaine de recherche. Mais des annonces visionnaires peu suivies d’effets peuvent aussi préparer de brutales déceptions. Comment garder la juste mesure, se garder des spéculations excessives et ne pas négliger pour autant des avancées remarquables ?

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Pour nous y retrouver, Olivier Ezratty met en perspectives les évolutions en cours dans le domaine quantique avec des ruptures technologiques antérieures. Toutes ne suivent pas la même courbe de diffusion dans la société : certaines technologies se diffusent rapidement, d’autres connaissent des temps morts, et d’autres encore restent dans les cartons des chercheurs ou ne dépassent pas le stade du prototype ou du gadget. Dans quelle catégorie doit-on ranger le quantique ? Et, au-delà de ce cas particulier, comment appréhender au plus juste les effets des nouvelles technologies dans nos habitudes quotidiennes, une fois admis que tout ne ressemble pas à un « saut technologique » et que les révolutions techniques les plus importantes sont parfois les plus silencieuses ?

En Iran, la révolution féministe a ébranlé le pouvoir des Mollahs et a transformé le climat de la société Iranienne. Farhad Khosrokhavar dresse un bilan de ce soulèvement de libération des femmes, et montre qu’une nouvelle génération est en train d’inventer une modernité sans culpabilité vis-à-vis de l’Occident.

 En Europe, depuis le déclenchement de la guerre russe contre l’Ukraine, les Européens sont contraints de s’interroger sur leur rapport à la puissance. Le Président français avait anticipé les débats en lançant l’expression a priori contradictoire de « souveraineté européenne ». Mais que peut donc recouvrir exactement cette notion ? Pierre Buhler en retrace ici la genèse pour interroger sa pertinence au regard des capacités européennes.

 En déclenchant un conflit militaire d’une rare brutalité, la Russie n’a pas seulement rappelé la réalité du hard power. Elle a aussi mis en péril une stratégie d’influence au long cours, partiellement réussie, dont Marlène Laruelle présente ici un bilan.

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