Édito

La tentation des coalitions avec l’extrême-droite

Publié le 21 juillet 2023
Les électeurs espagnols ont rejeté le 23 juillet la stratégie affichée d’alliance du Parti populaire (PP) avec l’extrême-droite de Vox. Avec un fort taux de participation (70%, en hausse de 5 points par rapport aux précédentes élections de 2019), ces élections ont déjoué les pronostics qui donnaient l’alliance avec l’extrême-droite largement gagnante. Au contraire, le parti Vox perd 19 sièges par rapport à 2019 et prive la droite de la capacité à trouver une majorité pour constituer un gouvernement.
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Le 12 juillet dernier, au Parlement européen, le vote d’un texte sur la restauration de la nature a servi de prétexte au Parti populaire européen (PPE) de tester un rapprochement avec l’extrême-droite. Cette manœuvre d’assemblée présente une signification qui dépasse le seul vote du texte sur la défense de la biodiversité. Elle servait de ballon d’essai d’une recomposition possible des équilibres au sein du Parlement européen, qui sera renouvelé au printemps prochain.

Aussi approximatif et présomptueux que soit ce type de calcul électoral anticipé, il témoigne de l’inquiétude du groupe conservateur du Parlement européen de voir s’effriter son influence. De fait, les dernières élections montrent une influence croissante de l’extrême droite sur la Droite traditionnelle en Europe.

L’arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni en Italie en septembre 2022 a constitué un premier signe important, dans un des pays fondateurs de l’Union européenne. Son attitude atlantiste dans la crise provoquée par la Russie et sa volonté d’apaisement avec les institutions européennes ont modéré les premières craintes suscitées par la coalition inhabituelle qu’elle dirige. Pourtant, sur le dossier des réfugiés, l’intransigeance idéologique de sa politique migratoire n’a pas changé, comme on l’a observé en cours d’année à l’occasion de nouveaux drames maritimes.

Le vote du 23 juillet en Espagne montre que le calcul est hasardeux. Même si Le Parti Populaire (PP) gouverne 3 régions et plus de 130 municipalités en coalition avec Vox, un tel attelage n’a pas convaincu les électeurs au niveau national. Le vote utile a favorisé le PP au détriment de Vox, qui rebute également une part de l’électorat par ses excès nationalistes, xénophobes, machistes et anti-environnementaux. Le parti socialiste (PSOE), menacé par l’usure du pouvoir, a cependant amélioré son score et gagné deux sièges par rapport à 2019. Pedro Sanchez, le Premier ministre sortant, aura du mal à stabiliser une nouvelle coalition mais il a montré que la vague populiste pouvait être freinée.

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En France, le durcissement des positions des Républicains sur l’immigration et sur la primauté du droit européen par rapport au droit national les rapprochent un peu plus d’une ligne populiste et illibérale, ce qui ouvre la voie à une alliance avec l’extrême-droite lors des prochaines échéances électorales.

Aux Pays-Bas, autre laboratoire européen (avec l’Italie) des recompositions politiques, les élections anticipées décidées par le Premier ministre sortant Mark Rutte verront peut-être, en novembre prochain, la progression d’un parti populiste d’un nouveau genre. Le « Mouvement agriculteur citoyen » n’est pas l’héritier de ces partis agrariens qui jouaient traditionnellement le rôle d’un appoint des partis conservateurs. C’est un hybride déconcertant entre parti anti-système et mobilisation rurale contre la réforme d’une agriculture productiviste à l’extrême qui n’est plus soutenable aux Pays-Bas. Les partis d’extrême-droite ne savent pas, le plus souvent, comment se situer vis-à-vis de la question écologique, préférant l’ignorer ou la passer sous silence, même si un discours écologique d’extrême-droite commence à émerger. La configuration néerlandaise indique-t-elle un modèle (de rejet radical de l’écologie) possible pour les extrêmes droites en Europe ?

Plus généralement, le défi de la transition environnementale et climatique rencontre désormais une autre priorité stratégique, celle issue de la guerre russe contre l’Ukraine, qui remet les questions militaires au devant de l’actualité européenne. Ces deux enjeux nous placent-ils devant l’obligation d’inventer une « nouvelle économie de guerre » ? Dans ce cas, l’intervention de l’Etat serait revalorisée, mais avec des priorités et des modes d’action qui restent entièrement à repenser.

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