À Paris, la mise en place des alternatives aux plastiques jetables est limitée par la loi AGEC
La Ville de Paris n’a pas attendu l’entrée en vigueur des mesures prévues dans la loi AGEC pour multiplier les initiatives afin d’encourager le réemploi des emballages et la réduction du plastique à usage unique. En effet, la loi AGEC a interdit à compter du 1er janvier 2023 d’utiliser des contenants non réemployables pour la restauration sur place, mais prévoit uniquement à horizon 2027 d’utiliser au moins 10% d’emballages réemployés dans la vente à emporter. Or à Paris, la vente à emporter représente plus d’un million d’emballages par jour1, et ce constat ne cesse de s’empirer avec l’explosion de la livraison. Développer, à l’échelle locale, un système de réemploi des contenants alimentaires à emporter permet de réutiliser des milliers d’emballages et de sortir du tout-jetable tout en créant des emplois locaux. Convaincue des bénéfices environnementaux, économiques et sociaux du réemploi, la Ville accompagne donc activement depuis de nombreuses années les commerçants en la matière : un guide spécifique a été développé pour aider les restaurateurs à adopter des contenants réutilisables2, un financement permet à ces derniers de tester gratuitement des systèmes de réemploi pendant trois mois3, plusieurs expérimentations territoriales ont été lancées et les conditions de leur généralisation sont étudiées.
Néanmoins, des limites subsistent quant à la mise en place à grande échelle des dispositifs de réemploi dans la vente à emporter qui peinent à trouver leur modèle économique face à un marché de l’emballage du tout-jetable à très bas prix. Ils ne reposent à ce stade que sur le volontarisme des restaurateurs prêts à s’engager dans une démarche que le législateur n’a pas choisi de rendre contraignante dans le cadre de la loi AGEC, et sur le volontarisme des pouvoirs publics locaux comme la Ville de Paris.
La loi AGEC a donné une impulsion certaine pour structurer une filière solidaire et locale de réemploi et réparation des équipement électroniques et électroménagers
Alors que la production mondiale de ces déchets devrait atteindre 74,7 millions de tonnes d’ici 2030 4et que très peu des matériaux rares qui les composent sont récupérés pour être recyclés puis réutilisés dans de nouvelles productions, la Ville de Paris a placé au cœur de sa stratégie d’économie circulaire cette filière prioritaire, et œuvre de longue date pour accompagner le développement d’alternatives solidaires, locales et circulaires capables d’allonger la durée de vie de nos équipements électroniques, électroménagers et numériques. C’est le sens de l’ouverture fin 2025 de l’atelier de reconditionnement opéré par des salarié.e.s en insertion de la Fédération Envie, au cœur du 20ème arrondissement5.
En la matière, la loi AGEC a permis une impulsion nouvelle et certaine. Dans le cadre de sa politique publique de développement économique des acteurs de l’économie sociale et solidaire spécialisés dans l’économie circulaire de ces équipements, la Ville de Paris a pu consolider les modèles économiques souvent fragiles de ces structures spécialisées grâce à la mise en œuvre de fonds réemploi et réparation. Cependant la mise en œuvre de ces fonds, que la loi AGEC a confiée aux éco-organismes, fait l’objet de très longues négociations dont les structures de l’ESS, historiquement spécialistes du réemploi, souffrent à cause d’un manque de visibilité. Cela repose également une nouvelle fois la question du rôle de ces éco-organismes, qui consacrent aujourd’hui moins de 10% de leur budget au réemploi6, et de leur gouvernance, dont les pouvoirs publics, et en particulier les collectivités locales, sont exclus.
Une volonté d’agir concrètement sur l’industrie circulaire
En conclusion, si la loi AGEC encourage une production plus responsable, la transition restera toutefois incomplète sans une planification rigoureuse des ressources. La Ville de Paris s’engage concrètement sur cet enjeu transversal-clé avec l’exemple de la manufacture Berlier, première manufacture textile circulaire parisienne, installée dans le 13e arrondissement7. Ce tiers-lieu réunit des acteurs de la mode durable pour allonger la durée de vie des textiles via le réemploi, l’upcycling et la confection locale. Avec 20 000 tonnes de vêtements jetées chaque année à Paris8, ce projet structurant vise à créer une boucle vertueuse du textile tout en générant des emplois d’insertion. Cette réindustrialisation verte et solidaire redonne ainsi toute sa valeur aux métiers manuels et techniques, encore trop peu reconnus en France, alors qu’ils constituent un vivier de talents essentiel pour bâtir l’économie durable de demain.